JDB du 7 décembre de l’an de grâce 2017

A la lueur de ma lampe au sel de l’Himalaya, je couche sur l’écran mes rares réflexions sur ce monde aqueux, collant et addictif.
Voilà déjà presque un mois que cette poisse de sel s’est insinuée au plus profond de mon âme. Quand je pense que certains cuistôts ne jurent que par sa fleur ! Moi préfère celui qu’on met dans son bain. J’ai les doigts flétris et je ne sors plus sans ma parka jaune.
Le Vendée Globe : ça change un homme en marin.

Petit retour en arrière.
Après les Canaries, je me suis englué dans le poteau noir (ou pot au noir, ou pot eau noire… ça dépend du point de vue), une zone de daube où, bien que prévenu, j’ai tenté une option foireuse.
Je me suis retrouvé à avancer à 3 noeuds ! Mais franchement, j’ai pas perdu plus d’une ou deux journées, je m’en tire bien… d’autres n’ont pas eu cette chance. Je me rappelle encore le passage de l’équateur, la chaleur et la lenteur étaient de mises, parfait pour ouvrir une bouteille de champagne pour fêter mon premier voyage dans l’autre hémisphère… finalement pas si différent : bleu pareil.

Leçon de géographie et découverte de l’anticyclone de Saint Hélène, ont rythmé ma descente de l’Atlantique Sud. Chez nous c’est “dré dans le pentu”, là c’était “dré dans le sud”, tellement dré que j’ai viré de bord avec 3h de retard… 3h sur 3 semaines d’eau !!! résultat je me suis fait enrhumé par mon principal concurrent : VinDeMonbazillac. Un gars qui a pas l’habitude l’eau avec un nom pareil et ben y m’a doublé ! J’étais vert de rage d’avoir raté cette manoeuvre élémentaire que j’avais prévu…3 jours avant ! Du coin l’œil, je surveille aussi un autre concurrent (Stapsounet), bien plus au nord et à l’est que moi, mais qui se trouve être une de mes élèves… elle était en avance mais je savais qu’en passant au sud j’allais la grignoter. Mon choix stratégique a payé, je suis devant… mais c’est très très serré, je peux pas encore me moquer d’elle en classe… soyons prudent. Surtout que Ecacypra est encore loin devant !

Au sud, il y a ce qu’on nomme la zone d’exclusion Antarctique. Une ligne théorique interdite de dépassement sous peine de jouer les Titanics version Pôle Sud. Il faut flirter avec la ligne tout en gardant les bons vents… un vrai casse tête. A ce jeu, j’ai même fait un -tout petit- tour du mauvais coté de la ligne (1h) heureusement, sur la version vitruel du Vendée Globe cela ne fait que ralentir le bateau. Pas dégats sur la quille ou les safrans. Pas d’icebergs. Pas de baleines. Pas de déchets.

Là j’arrive enfin en France… la France du Sud. Le VRAI sud, où même les marseillais sont des gars du nord pour les 3 paumés qui vivent la-bas. Les Kerguelens. Un rêve de gosse.
Ca fait des années que je veux aller m’enfermer là-bas en ermite… bah finalement j’hésite. Des creux de barjots, des vents de 30 nœuds ! C’est tellement humide dans le coin que même le froid devient liquide !
Je soupçonne l’eau de ne pas geler à 0° dans cette partie du globe mais vers -10° !
En plus il y a 2 jours, j’ai eu des tremblements, de la fièvre, j’ai même vomi dans la nuit. C’était vraiment pas le moment ! Heureusement ma petite femme m’avait préparé un grog et mit des pastilles de propolis au fond de la cabine : ça m’a sauvé ! Je me voyais déjà en train de me dérouter vers le Cap pour cause de transit en déroute ! La honte.

Au niveau paysage et sensations ça déchire, j’en mets plein la vue à mes concurrents (ci dessous une petite vidéo tournée par l’armée française. Ils ont coupé mon bateau au montage, mais bon ça donne une petite idée)

Prochaine étape l’Australie ! Je file, faut que je dorme, je me réveille dans 6 heures.